La perception des autres représente l'un des plus grands défis auxquels les personnes handicapées sont confrontées.Ahmed Abukar et Jessica Dell'Unto nous expliquent les la manière dont les perceptions sociales auraient pu les freiner,et la façon dont ils ont réussi à repousser les limites qui leur étaient imposées

Un Canadien sur cinq de 15 ans ou plus a une ou plusieurs incapacités, soit 6,2 millions de personnes au pays. À l’échelle mondiale, plus d’un milliard de personnes vivent avec au moins un handicap. Le 3 décembre c’est la Journée internationale des personnes handicapées des Nations Unies ; une célébration qui vise à promouvoir les droits et le bien-être des personnes handicapées dans toutes les sphères de la société, et à faire connaître les circonstances auxquelles elles doivent faire face dans tous les aspects de la vie politique, sociale, économique et culturelle.


Des recherches démontrent continuellement que les personnes handicapées sont plus susceptibles d’être sans emploi ou sous-employées comparativement au reste de la population. Les employés de RBC, Ahmed Abukar et Jessica Dell’Unto, ont récemment raconté leur histoire et ont indiqué que l’un de leurs plus grands défis est la façon dont les gens les perçoivent1.

Faire face au doute et aux idées préconçues

Photo d'Ahmed Abukar Ahmed Abukar

Ahmed Abukar a une maladie oculaire rare qui a entraîné une déficience visuelle. Lorsqu’il rencontre de nouvelles personnes, ces dernières sont étonnées qu’il ait un emploi malgré sa déficience. Lorsqu’il indique qu’il travaille pour RBC, les gens supposent qu’il est peu qualifié.Depuis le secondaire, Ahmed Abukar voulait faire carrière en comptabilité. « Beaucoup de gens doutaient de moi lorsque je leur parlais de mes aspirations », se souvient-il. « Ils me disaient qu’il s’agissait d’un domaine où la vue est importante et que je ne pourrais donc pas réussir. » À l’université, on lui a conseillé de suivre moins de cours en raison de son handicap visuel. Il a répondu être capable de répondre à toutes les exigences, avec seulement quelques aménagements. Il a ainsi pu suivre tous ses cours et obtenir son diplôme avec mention.

« Notre plus grand défi est l’attitude des gens », explique-t-il. « Ils ont l’impression qu’il y a des choses que nous ne pouvons pas faire. Je suis toujours étonné par le nombre de personnes qui sont ébahies par le fait que j’aie un emploi. Lorsque je leur dis que je fais partie de l’équipe du chef des finances, mes interlocuteurs en sont bouche bée. Lorsque vous avez un handicap, les gens ne voient pas qui vous êtes. Ils ne voient que votre handicap et pensent automatiquement que vos capacités sont limitées et que vous avez besoin de soutien. »

Le contrat de Jessica Dell’Unto n’a pas été renouvelé après qu’elle ait communiqué son diagnostic de dystrophie musculaire à son ancien employeur, même si sa capacité à faire son travail n’avait pas changé.

Il y a neuf ans, Jessica Dell’Unto occupait un nouveau poste en communications lorsqu’elle a reçu son diagnostic de dystrophie musculaire. Elle avait alors décidé de ne pas parler de son diagnostic pendant qu’elle réfléchissait à la façon de gérer la situation. « Je ne voulais pas être émotive en en parlant à mon employeur », explique-t-elle. « Je savais qu’il était possible de mener une vie merveilleuse avec un handicap, mais je pensais que si j’en parlais trop rapidement, je serais émotive et j’amorcerais mal la conversation. Je voulais prendre mon temps et parler de ma situation au rythme qui me convenait. »

Après quelques mois, cependant, la température s’est refroidie et Jessica voulait obtenir une place de stationnement pour personnes handicapées afin de réduire ses risques de chute. Elle estimait qu’il était temps de parler de son handicap. Le lendemain, on lui a dit qu’en raison de son diagnostic, elle n’était clairement pas en mesure de s’acquitter de 60 à 70 % des responsabilités liées à son travail. « J’ai été très surprise que mon employeur soit à l’aise de prendre cette décision sans en savoir plus à ce sujet », révèle Jessica. Elle a essayé de se défendre et a même présenté une note de son médecin indiquant que son diagnostic n’aurait pas d’incidence sur sa capacité à faire son travail adéquatement. Mais ses employeurs étaient en désaccord et ont réduit ses heures de travail, choisissant finalement de ne pas renouveler son contrat. « Je suis devenue très réticente à l’idée de parler de mon handicap. J’aurais dû pouvoir avoir confiance en mon employeur. »

Jessica craignait de ne pas trouver d’emploi et de devoir faire face à des attitudes similaires. Elle se souvient d’avoir vu des publicités sur la diversité et l’inclusion à RBC et savait que l’entreprise avait la réputation d’être l’un des meilleurs endroits où travailler. À la suite d’une activité d’embauche axée sur la diversité, au cours de laquelle elle a rencontré un recruteur, on lui a offert un poste au Centre de conseils RBC.

Surmonter les obstacles réels et perçus

Ahmed a relevé différents défis toute sa vie. « La société n’est pas conçue pour quelqu’un ayant une déficience visuelle », dit-il. « J’ai dû m’adapter dès mon plus jeune âge. Par exemple, l’aire de jeux n’avait pas été construite pour moi. » Il est arrivé au Canada à neuf ans, au moment où il a commencé à aller à l’école et à apprendre l’anglais. J’ai dû me débrouiller par mes propres moyens et trouver des moyens créatifs de me faciliter la vie. » Il a dû apprendre une nouvelle langue, et à utiliser du matériel adapté pour fonctionner dans une société de gens voyants. Malgré tout cela, il a terminé ses études secondaires en tête de sa cohorte.

Il trouve donc intéressant que les gens doutent de ses capacités. Par contre, il ne s’en fait pas. « Vos actions sont la meilleure façon de changer la perception que les gens ont de vous », dit-il. « Une fois que vous leur avez montré ce dont vous êtes capable, leur perception change. Il s’agit d’être patient. »

Jessica croit aussi que changer les perceptions peut commencer par la façon dont vous acceptez votre handicap. « Lorsque j’ai commencé à travailler à RBC, j’ai parlé de mon handicap à mon équipe dès le premier jour de ma formation. Je voulais démontrer ma fierté. Depuis, je n’ai rencontré que des attitudes positives et professionnelles. J’ai aussi rencontré des gens qui voulaient m’aider. »

Meg Zucker est première directrice générale, RBC Marchés des Capitaux, à New York, et une représentante de la direction de RHeart, le groupe-ressource des employés (GRE) voué à la promotion, à l’avancement et au recrutement de personnes handicapées au sein de l’entreprise. Elle est aussi la fondatrice et présidente de Don’t Hide It, FLaunt It (DHIFI), un organisme sans but lucratif désigné par l’article 501(c)(3) qui a pour mission de promouvoir l’apprentissage social émotionnel et fondé sur l’empathie. Par son travail à DHIFI, Meg défend activement les personnes ayant des différences visibles et invisibles afin de les aider à célébrer ce qui les distingue. Elle est particulièrement passionnée par le changement en matière de perception et d’acceptation. « Mon dicton préféré est : « What you think of me is none of my business » (Ce que vous pensez de moi ne me concerne pas). Il est extrêmement important pour une personne différente de ne pas laisser les doutes des étrangers à propos de ses capacités. » De plus, Meg encourage tout le monde, y compris les personnes handicapées, à être fier de leurs différences, à accepter et à célébrer ce qui les rend uniques. « L’acceptation inconditionnelle de soi est l’objectif ultime. »

 Photo de Meg Zucker Meg Zucker

Répercussions de la pandémie de COVID-19

La pandémie de COVID-19 a touché tous les Canadiens de façon différente. L’incidence sur les personnes handicapées varie selon leur situation personnelle. Les occasions varient aussi.

Par exemple, Jessica estime que la pandémie de COVID-19 a révélé beaucoup d’aspects sur l’embauche d’une personne handicapée. « Par le passé, les employeurs pouvaient penser que le télétravail serait un désavantage. Je crois que la situation actuelle a permis aux employeurs de constater que la plupart des emplois peuvent parfaitement s’exercer en télétravail. Le rendement repose davantage sur le dynamisme, l’engagement et la gestion du temps. La période actuelle nous permet de constater que vous n’avez pas besoin d’être dans un bureau pour accomplir votre travail. »

Ashley Caldwell, coprésidente du GRE RHeart avec David Goldman et Odarkor Lamptey, convient qu’il existe aujourd’hui une occasion unique d’embaucher des personnes qui n’auraient jamais pu se joindre à la population active auparavant. Ashley a subi une lésion de la moelle épinière quand elle était enfant ; elle doit aujourd’hui marcher avec une canne. Elle admet que pour quelqu’un comme elle, le télétravail est très avantageux. « La présente période démontre la souplesse possible des milieux de travail et elle offrira plus de possibilités aux personnes handicapées. »

Toutefois, elle reconnaît aussi que le télétravail peut poser des défis importants pour les personnes ayant des problèmes de santé mentale. « Nous savons qu’il y a des gens qui ont des problèmes d’anxiété. Les entreprises devront franchir une autre étape pour les soutenir et se rappeler qu’il existe différentes définitions de l’invalidité. »

Photo d'Ashley Caldwell Ashley Caldwell

Les personnes handicapées sont parmi les gens les plus sous-estimés et les moins représentés dans la société. Il est nécessaire de faire connaître leur talent, leur potentiel et leur résilience pour augmenter leur présence sur le marché du travail. « Nous devons changer le dialogue sur les handicaps », dit Ashley Caldwell. « Il ne s’agit pas seulement d’embaucher des gens parce que c’est la bonne chose à faire. Nous parlons ici de personnes incroyablement efficaces et compétentes. Une diversité de pensées permet d’atteindre l’excellence. Nous devrions vouloir ces personnes au sein de nos équipes. »

Des initiatives telles que RHeart et la Journée internationale des personnes handicapées des Nations Unies peuvent apporter la sensibilisation nécessaire pour faire bouger les choses et offrir aux employeurs les outils, le langage et les connaissances requis pour mettre tout le monde sur un pied d’égalité et permettre aux personnes handicapées de s’épanouir en menant une carrière stimulante.

Le présent article vise à offrir des renseignements généraux seulement et n’a pas pour objet de fournir des conseils juridiques ou financiers, ni d’autres conseils professionnels. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais nous ne garantissons pas leur exactitude et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive des sujets abordés. Les opinions exprimées reflètent le jugement des auteurs à la date de publication et peuvent changer. La Banque Royale du Canada et ses entités ne font pas la promotion, ni explicitement ni implicitement, des conseils, des avis, des renseignements, des produits ou des services de tiers.