Le mois international de la fierté est une période où les communautés LGBTQ+ du monde entier et leurs alliés célèbrent et soutiennent les droits et libertés des personnes LGBTQ+. L'événement mondial Fierté RBC a accueilli la conférencière Sam Rapoport

Sam Rapoport, directrice générale principale, Diversité, équité et inclusion à la Ligue nationale de football (NFL), gravite dans l’univers du football depuis maintenant 20 saisons. Tout au long de sa carrière, Mme Rapoport s’est donné comme mission d’ouvrir les portes du sport aux groupes marginalisés en créant des modèles d’affaires novateurs. Dans cette optique, elle a entrepris de transformer et de diversifier les processus d’embauche dans les coulisses du football. Elle est aussi une quart-arrière à la retraite qui a grandi en jouant dans des ligues féminines à Ottawa et dans la ligue professionnelle féminine.

Rapoport a rejoint RBC pour l’événement mondial Fierté, auquel ont participé des employés du monde entier. Lors d’une conversation franche avec Petra Haneberry, première vice-présidente, Finances, Services fonctionnels, et chef de l’exploitation, Groupe du chef des finances, Rapoport a parlé de son amour du football, des difficultés qu’elle a rencontrées en grandissant en tant qu’homosexuelle, et comment elle a transformé ces difficultés en un courage qui la motive à repousser les limites et à préconiser le progrès et l’équité pour la communauté LGBTQ+, mais aussi pour toutes les personnes sous-représentées dans le sport et dans d’autres domaines.

Sam & Rebecca

Transformer un amour du football en une carrière

Sam Rapoport a commencé à jouer au touch-football à l’école intermédiaire à Ottawa. Elle est tombée amoureuse de ce sport presque instantanément. « En tant que jeune fille, c’était vraiment extraordinaire de grandir en ayant un fort sentiment d’être douée à quelque chose », explique-t-elle. Lorsque le football professionnel féminin a vu le jour alors qu’elle était à l’Université McGill, elle s’est proposée pour jouer. « J’ai enfilé mes épaulettes et j’ai tenté ma chance », dit-elle. « C’était il y a 21 ans, et je savais déjà que je devais transformer cet amour pour le sport en une carrière ».

Sam joue au foot

Rapoport a obtenu son premier emploi dans la NFL d’une manière peu conventionnelle. « À l’époque, j’étais une jeune femme au Canada sans aucun lien avec la NFL. J’ai commencé à réfléchir à ce que je pouvais faire pour me démarquer, faire une folie pour potentiellement obtenir un stage à la NFL », raconte-t-elle à RBC. « J’ai décidé d’envoyer à la NFL une photo de moi en équipement de football avec un ballon de football. Sur le ballon de football, j’avais écrit : Quelle autre quart-arrière pourrait envoyer un ballon avec précision à 386 miles?, ce qui correspondait à la distance entre l’Université McGill à Montréal et le bureau de la NFL à New York. » Elle admet être un peu embarrassée lorsqu’elle raconte cette histoire maintenant, car elle aurait aimé pouvoir entrer par la porte principale, mais elle a trouvé un moyen d’entrer par la porte de côté et de se démarquer pour décrocher son premier stage en 2003.

Briser le plafond de verre

Sam, en revanche, souhaite que les femmes n’aient plus à passer par la porte de côté. Son rôle principal à la NFL aujourd’hui est de « briser le plafond de verre » et d’amener plus de femmes dans des rôles d’entraîneuses et de recruteuses, par la porte avant. Ce n’est pas une tâche facile, étant donné que la NFL est sans doute l’une des entités les plus dominées par les hommes dans le monde. Selon Rapoport, pour atteindre cet objectif, il faut de la créativité et une approche non conventionnelle.

« Il y a six ans, j’ai scruté la NFL et je me suis demandé : où sont les femmes? Où sont les entraîneuses, les dépisteuses et les officielles? Nous savons que notre base d’adeptes est composée à 47 % de femmes, alors pourquoi cela ne se reflète-t-il pas sur le lieu de travail? »

Rapoport a pris son patron à l’écart, le commissaire de la NFL Roger Goodell, alors qu’ils étaient ensemble sur le terrain de football, lui demandant de lui « passer le ballon », pour ainsi dire, et de lui donner la chance de briser le plafond de verre et de trouver un moyen de recruter des femmes par la porte d’avant dans ces rôles très majoritairement masculins. Goodell a été d’un grand soutien, et en 2017, le forum des femmes de la NFL est né, un programme conçu pour présenter des femmes aux personnes qui pourraient les placer dans ces rôles.

Chaque année, Rapoport et son équipe parcourent le continent à la recherche de femmes qui occupent actuellement des postes de premier échelon dans le football universitaire aux États-Unis et au Canada. Dans le cadre du programme, la NFL accueille 40 femmes qui partagent les mêmes objectifs que la NFL, et la majorité d’entre elles sont des femmes de couleur. Pendant deux jours, elles rencontrent des entraîneurs en chef, des directeurs généraux et des propriétaires, et apprennent à se connaître tout naturellement. Bien souvent, des emplois sont offerts sur-le-champ.

« J’espère que le forum des femmes de la NFL ne sera plus nécessaire dans quelques années, et que les gens commenceront à savoir où recruter des personnes différentes d’eux », dit Rapoport. « Pour l’instant, nous nous occupons de faire de la place aux femmes ».

Se révéler à la NFL

La mission de Rapoport est, en partie, de créer plus de possibilités pour tout le monde, peu importe comment ces personnes s’identifient. Elle confie savoir qu’elle est lesbienne depuis qu’elle est enfant et, après une enfance malheureuse et sans sentiment d’appartenance, elle a pour objectif de créer un environnement à la NFL où tout le monde se sent bienvenu et soutenu.

« Je sais que je suis homosexuelle depuis l’âge de cinq ans, mentionne Rapoport. Et j’ai eu beaucoup de difficulté avec cela. J’étais très, très malheureuse et je voulais vraiment en finir avec ma vie. Petite, quand je soufflais mes bougies d’anniversaire, je souhaitais que ma vie s’arrête, simplement parce que je n’arrivais pas à imaginer un monde dans lequel je pouvais être une femme ouvertement homosexuelle et vivre la vie que je voulais. » Cet état d’esprit lui a donné le sentiment de n’avoir « rien à perdre » dans la vie, et elle révèle que c’est cet état d’esprit qui la motive encore aujourd’hui. « C’est un aspect de mon super pouvoir », dit-elle. « Les obstacles que j’ai eu à surmonter en grandissant m’ont montré que ce n’est pas grave d’échouer, alors pourquoi ne pas tenter sa chance. »

Pourtant, il a fallu plusieurs années à Rapoport pour révéler son homosexualité à la NFL. Elle y avait passé près de neuf ans, période pendant laquelle elle évitait toutes les situations sociales au bureau, n’allant jamais aux soirées des Fêtes ni aux 5 à 7 pour éviter de devoir répondre à des questions sur sa vie personnelle en dehors du bureau. Elle a fini par atteindre un point critique où elle ne pouvait plus vivre de la sorte. « J’avais deux choix : déménager en Australie et abandonner le sport ou trouver le courage de le faire. » La première personne à qui elle l’a dit à la NFL est le commissaire Roger Goodell.

« Tous les membres de la communauté LGBTQ+ peuvent comprendre ce que je m’apprête à dire, à savoir que révéler notre homosexualité est un défi constant. Quand je rencontre des entraîneurs en chef, des directeurs généraux ou des propriétaires d’équipes de la NFL, personne ne sait que je suis lesbienne. Mais lorsque l’on s’assoit, qu’on boit un verre ou autre chose, il faut constamment se révéler à différentes personnes qui peuvent être ou ne pas être d’accord avec qui tu es. »

Depuis, la NFL a commencé à faire bouger les choses et à réimaginer son approche envers la communauté LGBTQ+. Il y a deux ans, la ligue a embauché son premier chef de la diversité, Jonathan Beane, qui a décidé de faire avancer la NFL dans ce domaine. Rapoport raconte que l’un des moments les plus émouvants de sa carrière s’est produit la saison dernière, lorsque la NFL a diffusé une publicité intitulée « Le football est gay ». La publicité se poursuit et l’on peut lire « le football est queer, le football est transgenre, le football est pour tout le monde ». « Tout est dit », résume Rapoport. « C’est une publicité très, très émouvante et puissante qui a mis beaucoup de nos adeptes très en colère parce qu’ils ne voulaient pas “homosexualiser » le football. Mais nous l’avons fait. Nos dirigeants ont dû faire preuve de courage, et à mon avis, ça n’a pas été facile. » Elle poursuit en disant que ce n’est pas une coïncidence si peu de temps après la diffusion de la publicité, Carl Nassib, qui jouait alors pour les Raiders de Las Vegas, a été le premier joueur actif de la NFL a avoué son homosexualité. « Nous nous efforçons de favoriser un climat plus confortable pour nos joueurs et pour que nos adeptes se sentent plus connectés au sport qu’ils aiment », indique Rapoport.

Elle cite aussi l’exemple des « Rainbow Dads » qui sont de grands adeptes des Bills de Buffalo. Lorsque la publicité « Le football est gay » a été lancée, ils ont créé une vidéo avec leur fils qui disaient : « Nous croyons enfin que nous avons notre place ». Ils ont assisté à leur premier match de la NFL, ont rencontré le propriétaire des Bills et se sont assis dans sa loge. « Ce n’est qu’un petit exemple de ce qui se produit lorsque l’on envoie un message fort », affirme Rapoport.

Ne plus être remarquable

Évidemment, certaines personnes ne se réjouissent pas du travail accompli par Sam Rapoport et son équipe. « Je ne vais pas embellir les choses, il y a des entraîneurs en chef dans la NFL qui ne veulent pas faire partie de ce mouvement. Une partie de notre stratégie pour réaliser ces progrès consiste à nous concentrer sur les personnes qui se soucient de nous et à ignorer celles qui ne le font pas. Notre plus grande réussite, c’est de ne pas gaspiller notre énergie sur les personnes qui ne veulent pas avancer. »

Pourtant, la majorité de nos adeptes veulent voir plus de femmes s’impliquer dans le sport et souhaitent que la ligue soit de plus en plus accueillante pour toutes et tous. En fait, plus les groupes sous-représentés gagnent en visibilité dans le sport, plus nous avons accès à un bassin de talents intéressant. « La représentation est ce qui pousse les jeunes à se battre pour ce qu’ils voient », dit Rapoport. « La raison pour laquelle peu de femmes souhaitent devenir entraîneuses est que les filles ne grandissent pas en pensant que c’est une voie pour elles. Je suis un bon exemple : j’ai joué au football toute ma vie et pas une seule fois je n’ai envisagé d’être entraîneuse, car je n’ai jamais pensé qu’une femme pouvait y parvenir. »

Elle mentionne aussi l’exemple de Sarah Thomas, la première officielle de l’histoire de la NFL et la première femme à arbitrer au Superbowl. « Quand Sarah était à l’université, le chef des arbitres lui a demandé de cacher sa queue de cheval dans sa casquette, car il ne voulait pas qu’elle se fasse remarquer et qu’elle ait à essuyer des critiques que les hommes ne reçoivent pas. Ce qu’il n’a pas pris en compte, toutefois, c’est l’importance de sa queue de cheval. Lorsque les jeunes filles voient sa queue de cheval s’agiter dans le vent quand Sarah court sur les lignes de touche le dimanche, elles peuvent se voir en Sarah et croire qu’elles peuvent aussi arbitrer. »

Le travail de Rapoport est remarquable, mais elle s’efforce pourtant pour que les choses ne soient plus remarquables, lorsqu’il n’y aura plus de « premières ». « La réalité est que nous devons réaliser des premières pour arriver à être présente partout, ce qui constitue notre objectif ultime », dit-elle, ajoutant qu’elle attend avec impatience le jour où il sera commun de parler « d’entraîneuses et de recruteuses », lorsque la présence de femmes dans ces rôles sera chose courante.

Les efforts de Rapoport ont permis d’embaucher plus de 215 candidates aux postes d’entraîneuses, de recruteuses et d’employées à l’exploitation sur une période de six ans, et la plateforme de diversité qu’elle a créée a été reproduite par d’autres ligues sportives professionnelles. Elle a récemment été nommée l’une des femmes les plus puissantes, les plus influentes et les plus remarquables du sport par le magazine Sports Illustrated, elle a reçu le prix du commissaire de la NFL, elle a été classée dans la liste des 40 de moins de 40 ans du magazine Fortune, elle est l’héroïne de l’année de Outsports, et elle est l’une des 25 femmes qui changent le monde selon le magazine People. Par son courage et sa passion, Rapoport fait progresser l’équité et l’inclusion des femmes, des personnes autochtones, noires ou de couleur et la communauté LGBTQ+, prouvant qu’il y a de la place pour tout le monde lorsque les gens commencent à faire de la place. Même au sein de l’une des organisations les plus dominées par les hommes au monde, des progrès peuvent être réalisés lorsque ne serait-ce qu’une seule personne porte la voix du changement pour briser le plafond de verre.

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