Marquant la fin de la guerre de Sécession et de l'esclavage au Texas, la première célébration de Juneteenth a eu lieu le 19 juin 1865. Souvent considérée comme le deuxième Jour de l'Indépendance, la Fête du Juneteenth est un moyen de célébrer la liberté et d'amorcer une réflexion sur le travail qui reste à faire pour l'équité et l'inclusion.

Le 19 juin 1865, environ deux mois après la fin de la guerre de Sécession, un général de l’Union est arrivé à Galveston, au Texas, pour redonner leur liberté aux Afro-Américains réduits en esclavage. Plus de 150 ans plus tard, les Américains continuent de célébrer cette journée. En 2021, Juneteenth a été reconnue pour la première fois comme un jour férié fédéral.

Il y a quelques semaines, RBC a organisé son deuxième événement annuel Juneteenth pour les employés. Au programme, un entretien avec Eddie Glaude Jr., professeur émérite au James S. McDonnell et président du Département des études afro-américaines à l’Université Princeton. Intellectuel et critique américain, le professeur Glaude aborde la dynamique complexe de l’expérience américaine. Ses livres les plus connus, Democracy in Black : How Race Still Enslaves the American Soul, et In a Shade of Blue: Pragmatism and the Politics of Black America étudient en profondeur les communautés noires, les difficultés de la race aux États-Unis, et les défis auxquels notre démocratie est confrontée.

Il a fait part de ses réflexions sur l’importance et l’objectif des célébrations de Juneteenth et a mis en perspective l’histoire, l’alliance inclusive, la démocratie et les problèmes complexes auxquels les États-Unis continuent de faire face en matière de race et d’égalité.

Q : Connaissiez-vous Juneteenth lorsque vous étiez enfant ? Était-elle célébrée dans votre famille ou dans votre communauté ?

Prof. Glaude : J’ai grandi sur la côte du Mississippi, à quelques heures de Houston. Nous ne célébrions pas Juneteenth dans ma ville natale, mais je connaissais des personnes au nord de l’État qui la fêtaient. Puis, alors que je me rendais au Moorhouse College à Atlanta, en Géorgie, j’ai rencontré une foule de personnes qui célébraient Juneteenth. J’en suis venu à apprendre que ce jour faisait partie de ce merveilleux calendrier de célébration alternatif qui affiche au grand jour la vie des Noirs, et toute sa complexité, l’Amérique dans toute sa complexité, et notre relation difficile avec cet endroit. Ce fut un moment de réflexion sur les défauts et les échecs du pays et une affirmation de la possibilité, des capacités et de l’éclat de la vie culturelle noire. Et en plus, on peut manger un délicieux barbecue.

Q : Cette célébration s’accompagne d’un sentiment de joie. Elle est maintenant reconnue comme un jour férié aux États-Unis. De quelle façon la joie est-elle une forme de résistance ?

Prof. Glaude : Que faites-vous lorsque le monde vous juge inférieur ? Quand tout dans notre société est orchestré pour faire penser que certains membres ont moins d’importance que d’autres ? Que faites-vous de toutes ces années de désavantages cumulés ? Lorsque tout ce qui est noir ou brun n’est pas valorisé, mais rabaissé ? Tout cela devient en quelque sorte une force. On peut trouver de la joie dans les ténèbres, car c’est elle, selon moi, qui nous aide à surmonter les périodes de noirceur. C’est en trouvant la joie dans notre expérience que l’on se crée une armure, pour ne pas croire à ce que le monde dit de nous.

Q : Je crois qu’on peut dire, sans trop se tromper, que beaucoup de personnes ne savent pas vraiment ce qu’est Juneteenth. Selon vous, comment devrions-nous aborder les conversations sur les célébrations de Juneteenth ?

Prof. Glaude : Ces célébrations sont souvent considérées comme des événements au sein d’une communauté particulière, la communauté Noire, alors qu’en réalité, Juneteenth est une fenêtre sur l’histoire complexe des États-Unis en général. L’un des traits distinctifs de cette fête est qu’elle nous permet de comprendre le caractère incomplet de la liberté au pays. Juneteenth célèbre la liberté retardée. La proclamation d’émancipation a été promulguée en janvier 1863 – mais au Texas, la communauté n’a appris sa liberté que deux ans plus tard.

Juneteenth nous offre une occasion de réflexion et ne concerne pas qu’une communauté en particulier, tout comme le Martin Luther King Day ne célèbre pas seulement Martin Luther King Jr. Pendant cette journée, le pays réfléchit au chemin parcouru et à celui qu’il nous reste à parcourir.

Q : Pourquoi pensez-vous qu’il est important de reconnaître Juneteenth comme un jour férié à l’échelle nationale ici aux États-Unis ?

Prof. Glaude : Je crois qu’il est important pour les États-Unis de dire la vérité sur son histoire. Les Américains aiment raconter l’histoire du pays et ses progrès continus vers une union plus parfaite – et ce progrès s’inscrit souvent dans le contexte d’une sorte d’exception américaine – que le pays est la cité brillant sur la colline. Croire que la démocratie américaine est un brillant exemple pour le monde, c’est fermer les yeux sur la noirceur de notre passé.

Ces célébrations qui déconstruisent les mythes et les fantasmes de la vertu américaine sont très importantes pour la nation. C’est l’occasion pour chacun de nous de voir les choses bien en face et de se considérer autrement. Ce n’est pas seulement important pour les Américains, mais pour tout pays qui est aux prises avec ses contradictions et ses mythes.

Q : Pouvez-vous nous donner quelques exemples de la façon dont nos amis et collègues peuvent agir comme des alliés dans notre lutte pour l’inclusion et la diversité, même sur le lieu de travail ?

Prof. Glaude : Je suis toujours troublé par notre conception du terme « alliance inclusive ». Pour moi, il conviendrait plutôt de parler d’« être solidaires les uns les autres ». L’idée d’alliance inclusive peut facilement prendre une orientation caritative : je fais quelque chose pour vous, et non avec vous. Lorsque je fais quelque chose avec vous, je suis solidaire de vous.

De la même manière que vous choisissez un lieu de travail qui vous ressemble, soyez fidèles à vos valeurs et agissez en conséquence. Sachez ce que vous ne savez pas et ce que vous pouvez savoir. Et agissez en conséquence.

Q : Comment un jour férié comme Juneteenth peut-il trouver un écho auprès de vos collègues originaires de différents pays ?

Prof. Glaude : Le fait de considérer la Fête de Juneteenth comme un jour qui célèbre la liberté retardée nous pousse à l’introspection et à l’évaluation de notre situation actuelle. Dans le contexte des États-Unis, nous pouvons parler du chemin parcouru et de celui qu’il nous reste à parcourir. Dans le contexte d’autres pays, cela nécessite une confrontation avec les contradictions qui constituent votre mode de vie. Qu’avons-nous échoué à faire au cours de notre voyage à travers le temps et l’espace ? Comment pourrions-nous mieux faire ?

C’est le message de Juneteenth : l’arrogance morale n’apporte rien de bon. Chaque moment de l’histoire d’un pays révélant les lacunes des hommes et des femmes est un moment d’amorcer une réflexion personnelle, et non de se congratuler.

Q : Comment pouvons-nous nous informer et approfondir nos connaissances ?

Prof. Glaude : En tant que professeur et universitaire, je vous conseille quelques excellents livres, dont certains traitent de Juneteenth :

  • Juneteenth: The History and Legacy of the Holiday that Commemorates the End of Slavery in the South, écrit par Charles River Editors
  • Four Hundred Souls: A Community History of African America, 1619-2019, écrit par Ibram X. Kendi et Keisha N. Blain
  • On Juneteenth, écrit par Annette Gordon-Reed

Je conseille à celles et ceux qui souhaitent approfondir le sujet de consulter les archives en ligne de la Library of Congress et de s’attarder sur les ouvrages consacrés à l’esclavage. Ce n’est qu’en les consultant que vous aurez une idée de la puissance, du courage, de la résilience, de la cruauté, du barbarisme, et du miracle.

Juneteenth est l’occasion de commémorer la liberté, de célébrer la culture et de réfléchir au travail nécessaire pour atteindre l’égalité. C’est un moment de joie, de résistance et de réflexion non seulement aux États-Unis, mais dans tous les pays du monde.

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