À l'occasion de la Journée internationale des personnes handicapées de l'ONU, Selma Blair – actrice, autrice et militante – discute avec RBC de l'importance de déstigmatiser les handicaps par la sensibilisation, des mesures d'adaptation et le partage de témoignages

La Journée internationale des personnes handicapées de l’ONU offre l’occasion de poursuivre les efforts de sensibilisation et de promotion des mesures à prendre pour assurer la participation entière et équitable des personnes handicapées à la société. On estime que plus d’un milliard de personnes dans le monde sont handicapées et que chacun d’entre nous, ou presque, sera confronté tôt ou tard à une forme de handicap – temporaire ou permanent, visible ou invisible. Il est communément admis que l’on peut favoriser le bien-être et l’inclusion en invitant les personnes handicapées à s’exprimer et à témoigner de leur réalité.

Selma Blair a longtemps été actrice. On la connaît surtout pour ses rôles dans Blonde et légale, Bonjour l’amour et Un pari cruel. En 2018, elle a reçu un diagnostic de sclérose en plaques, après de nombreuses années de malaises. Pour elle, ce diagnostic a été un véritable soulagement, car il permettait enfin d’expliquer ses limitations physiques et les mécanismes d’adaptation émotionnelle sur lesquels elle s’était appuyée toutes ces années. Elle s’est jointe à un événement de RBC pour raconter son parcours et exprimer ses idées pour favoriser l’embauche des personnes handicapées, interagir avec elles et les appuyer.

Selma Blair : le visage du handicap

Enfant, Selma Blair souffrait de douleurs chroniques, de même que de dépression, de problèmes de vessie, de maux de tête et de fièvre. Ses malaises constants rendaient une vie normale impossible, et elle ignorait à quoi attribuer ses symptômes. Ce n’est que lorsque des lésions au cerveau ont été découvertes qu’elle a appris qu’elle souffrait de sclérose en plaques. Pendant sa conversation avec RBC, elle dit avoir ressenti de la joie lorsqu’elle a enfin reçu ce diagnostic : elle savait enfin de quoi elle souffrait et pourrait reprendre le contrôle de sa vie. En août 2018, elle rendait son diagnostic public sur Instagram : « Je suis handicapée. Il m’arrive de chuter. J’échappe des choses. J’ai des problèmes de mémoire. Et mon côté gauche ne suit plus la cadence. »

Aujourd’hui, elle défend les droits des personnes handicapées, s’estimant uniquement bien placée pour le faire et pour démontrer qu’il est quand même possible de mener une vie normale dans une large mesure. « Je ne prétends pas parler au nom de toutes les personnes handicapées, dit-elle. Mais c’est très valorisant d’agir en ce sens, car je reçois une tonne de témoignages des gens. Nous devons tous prendre nos responsabilités vis-à-vis des autres. Ce que j’ai appris, en étant le visage public du handicap, c’est à quel point il est important de normaliser les défis que nous devons surmonter au quotidien. »

Mme Blair est devenue le visage public des personnes handicapées lorsqu’elle a participé à la 31e saison de l’émission Dancing With The Stars (DWTS) en 2022. Elle avait d’abord quelques réserves, compte tenu de ses problèmes de mobilité et d’équilibre qui risquaient de devenir encore plus invalidants. Mais son partenaire l’a encouragée à ne pas abandonner. « Je n’avais jamais réalisé qu’il était possible d’adapter une chorégraphie à mes problèmes d’équilibre. Il y a tellement de façons de voir les choses, dit-elle. C’était la première fois que je m’ouvrais à l’idée de laisser à mon partenaire le soin de me guider et de me soutenir dans mes mouvements. Au lieu d’aller vers la gauche – le côté où je ne sens plus mon pied et sur lequel je ne peux plus m’appuyer – on pouvait tout simplement faire un déplacement vers la droite. » Blair explique qu’elle a adoré danser, stimuler ses muscles et reprendre confiance en elle. Au final, elle a été contrainte d’abandonner en raison du stress que la danse exerçait sur son corps. « Je commençais à avoir des déchirures et des fractures de stress, explique-t-elle. Je savais, pour l’avoir vécu, qu’il me serait très difficile de récupérer de toute blessure. Je ne pouvais pas me permettre d’accentuer mes incapacités ou de subit une fracture de la hanche. Je devais prendre soin de moi afin de pouvoir continuer de jouer mon rôle de mère et d’assumer mes autres obligations professionnelles. »

Même si se retirer de l’émission a été une décision brise-cœur, Selma Blair explique que les personnes handicapées doivent apprendre à respecter leurs limites. « On a tellement rarement l’occasion de montrer au monde entier qu’on peut encore faire de l’activité physique. Dans mon cas, malheureusement, cela n’a pas été possible. Ça m’a fait du bien de respecter mes limites et j’espère qu’on pourra normaliser cette réalité : être à l’écouter ses besoins. »

Alliance = adaptation

Même si elle n’a pas été en mesure de terminer la saison de Dancing With the Stars, Mme Blair explique que la capacité de son partenaire à s’adapter à son handicap lui a permis de participer pleinement et avec beaucoup de joie à cette activité. Elle participait à un autre projet, malgré de graves problèmes d’équilibre et d’ouïe et des vertiges, quand elle a reçu son diagnostic. Même si elle craignait qu’on mette fin à sa participation, elle a dû en faire part à l’équipe de réalisation. Heureusement, sa peur n’était pas fondée. Ma réalisatrice Netflix s’est montrée extraordinairement compréhensive, disant qu’on avait tous des défis à surmonter. L’équipe m’a procuré une voiturette de golf pour que je puisse me rendre sur le plateau sans m’épuiser. D’autres personnes sont aussi venues m’aider pour l’habillage. J’étais très vulnérable, et toutes ces femmes se sont mobilisées pour m’aider à faire le travail pour lequel j’avais été engagée. Ce sont elles, mes alliées, qui m’ont fait comprendre que je pouvais y arriver. »

Même si ses contraintes physiques rendent son travail d’actrice très difficile, elle a bon espoir de pouvoir jouer de nouveau dans un avenir proche grâce à l’aide d’alliés qui sont déterminés à offrir des mesures d’adaptation. Elle insiste sur l’importance d’intégrer les personnes handicapées dans ce milieu, car ce sont elles qui rendront les plateaux de tournage accessibles à tous et ouvriront la voie à une conversation sur ce qu’il faut faire pour créer un milieu véritablement inclusif.

Selma Blair estime, en effet, qu’on peut faire mieux dans ce domaine. « Bien souvent, on représente les personnes handicapées comme démunies et agréables ou désagréables. Le portrait qu’on en fait est bien souvent très loin de la réalité. Résultat : nos attentes ne correspondent pas aux capacités réelles des personnes handicapées. Hollywood a un pouvoir d’influence incroyable – et on a besoin de lui pour normaliser un peu plus les handicaps. Les possibilités sont infinies. »

Du cinéma à la tour de bureaux

Il n’y a pas qu’à Hollywood que le besoin de normaliser les handicaps se fait sentir. L’expérience de Mme Blair sur le plateau de Dancing With the Stars démontre qu’il suffit de légères modifications pour que les personnes handicapées puissent faire comme tout le monde.

Lorsqu’il est question d’inclusion, Selma Blair explique que nous voulons tous que les autres soient plus gentils et un peu plus patients. Pour nombre de personnes handicapées comme elle, les matins peuvent être plus difficiles, dit-elle, puisqu’il leur faut plus de temps pour se lever, s’habiller et se rendre au travail. « Peut-être pourrions-nous être plus souples et autoriser les personnes handicapées à arriver un peu plus tard au travail, si nécessaire. » Les personnes handicapées ne veulent pas constamment demander des mesures spéciales. C’est aux autres de remarquer ce besoin. « Il nous revient à tous, collectivement, de comprendre les handicaps, dit-elle. Les employeurs devraient demander à leurs employés handicapés s’ils ont besoin de commencer leur journée de travail plus tard ou d’autres mesures d’adaptation. Travailler demeure possible [pour les personnes handicapées]. Il faut juste faire les choses autrement. » Elle invite les employeurs à faire preuve d’ouverture d’esprit. « Ne soyez pas intimidés et ne croyez pas d’emblée que cette personne n’est pas apte à faire le travail. Voyez plutôt quelles mesures vous pourriez prendre pour qu’elle puisse le faire encore mieux. »

Alan & Selma Blair

Publié en mai 2022, le livre de Selma Blair – Mean Baby – relate son enfance et sa démarche vers la vérité avec humour et émotion. Elle y révèle avoir développé un problème d’alcool à un très jeune âge, et aussi que son diagnostic l’a aidée à comprendre pourquoi elle buvait et adoptait certains comportements nocifs. « Je tenais à faire connaître mon histoire aux gens qui, comme je l’étais, se sentent stigmatisés, explique-t-elle. C’est ce sentiment de honte et de stigmatisation qui m’empêchait d’avancer. » Elle espère que son livre permettra d’ouvrir le dialogue et motivera d’autres personnes à faire connaître leur réalité sans honte.

Selma Blair demeure engagée à s’exprimer pour normaliser les handicaps. « Je vais continuer de poser les questions que personne n’ose poser. Je ne crains pas le ridicule, ni qu’on annule mes contrats, si c’est pour le bien commun et que mes actions permettent de faire avancer les discussions. Je le fais sans arrière-pensée. »

Raconter mon parcours, avoir des conversations malaisantes, faire de la sensibilisation et promouvoir l’ouverture d’esprit au travail et dans la société : tout cela permet de créer un monde plus inclusif et accessible où chacun a les mêmes chances d’exploiter son potentiel.

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