Juin est le Mois national de l'histoire autochtone, une occasion pour tous les Canadiens de réfléchir à l'histoire, à la culture et aux contributions des Premières nations, des Inuits et des Métis. Pour célébrer l'événement, RBC a accueilli l'artiste autochtone Buffy Sainte-Marie pour une discussion franche autour du courage, de la musique, de la vérité, de la réconciliation et de la joie.
Buffy Sainte-Marie est une auteure-compositrice-interprète, musicienne, compositrice, artiste visuelle, éducatrice, pacifiste et activiste sociale autochtone canado-américaine. Reconnue et acclamée comme l’une des artistes autochtones les plus importantes et les plus marquantes de tous les temps, Buffy a remporté de nombreux prix (dont un Academy Award et un Golden Globe Award), mais elle a surtout inspiré de nombreuses générations de musiciens, d’artistes et de militants au cours de ses six décennies de carrière.
Lors d’une discussion organisée à l’occasion de la célébration du Mois national de l’histoire autochtone RBC, elle nous fait part de ses réflexions, de ses expériences et de ses points de vue.
« Je ne me sens pas du tout courageuse. »
Au cours de sa carrière, qui a débuté dans les années 1960, Buffy Sainte-Marie s’est toujours montrée authentique et sincère. Lorsqu’on lui demande où elle a trouvé le courage de le faire, elle répond : « Je ne me sens pas particulièrement courageuse ». Reconnaissant qu’elle voit beaucoup de problèmes dans le monde qui lui fendent le cœur, elle ne sait les résoudre que petit à petit, étape par étape. « Si j’ai l’occasion d’aider, je le fais, dit-elle. Quand on est motivé pour apprendre ou aider, ce n’est pas le courage qui agit, c’est une forme d’amour plus grand. »
Elle encourage les autres à « passer du temps à faire des choses qu’ils aiment, avec des gens qu’ils aiment, et ils seront motivés [pour faire changer les choses] ».
« Nous formons une véritable diaspora. »
Les liens et la communauté font partie intégrante du mode de vie des peuples autochtones. Mais comme l’explique Buffy, nombre d’entre eux ne savent pas d’où ils viennent. « Nous formons une véritable diaspora. Il y a des [Autochtones] partout, mais ils ne savent pas d’où ils viennent. Personne ne tenait de registre des naissances pour nous. Rien n’a été consigné dans les pensionnats – nos générations ont été brisées. »
Elle ajoute qu’ayant été élevée en dehors de sa culture (Buffy a été retirée à ses parents à l’âge de deux ou trois ans lors de la rafle des années 1960), elle voit les choses d’un autre angle. « J’ai été élevée dans une communauté où il n’y avait qu’une seule autre personne autochtone en ville. Ce n’est qu’à l’âge adulte, lorsque j’ai été accueillie dans la famille d’Émile et Clara Piapot, en Saskatchewan, que j’ai pu découvrir ce qu’était la vie traditionnelle. »
« Tu ne peux pas être musicienne. Et tu ne peux pas être autochtone. »
Lorsqu’elle était petite, on a dit à Buffy qu’elle ne pouvait pas être musicienne, car elle était dyslexique et incapable de lire la musique. Comme la plupart des musiciens naturels, elle jouait à l’oreille. « Les autorités m’ont dit que je ne serais jamais musicienne. J’ai été bannie et humiliée. On m’a également dit que je ne pouvais pas être autochtone, parce qu’il n’y en avait plus par ici, dans le Maine et le Massachusetts. Ces propos auraient dû me briser, mais ils m’ont fait rire, dit-elle. Pour moi, c’était une preuve flagrante que les adultes ont parfois tort. Et j’ai toujours porté cette idée en moi », dit-elle.
Cette résilience, Buffy l’a conservée tout au long de sa vie, même avant d’être musicienne. Avant de faire de la scène, en effet, elle était enseignante, titulaire d’un diplôme de philosophie orientale et d’un diplôme d’enseignement de l’université du Massachusetts. Elle estime que son expérience de l’enseignement lui a donné une perspective différente de celle des autres artistes de son époque. « Je voulais vraiment trouver une solution. Et ma musique était un moyen de le faire. » Sa chanson Now That The Buffalo’s Gone a été inspirée par un incident survenu à Jamestown, dans l’État de New York, où une réserve sénéca était sur le point d’être inondée pour la construction du barrage Kinzua. Alors qu’elle espérait faire voir aux auditeurs les souffrances subies par son peuple, la chanson a renforcé les stéréotypes et n’a pas suscité la prise de conscience qu’elle souhaitait. Le public, explique-t-elle, pensait que « la petite Indienne devait se tromper ».
Au lieu de reculer, elle a enregistré des chansons comme Indian Cowboy in the Rodeo parce qu’elle voulait mettre en lumière la beauté de son peuple et de sa culture.
« Nous devons parler d’autre chose que des histoires d’horreur. »
Buffy a continué à faire valoir l’histoire et la culture positives des peuples autochtones, tant sur scène que dans la vie de tous les jours. « On ne nous parle que de notre histoire d’horreur, et elle doit être comprise. Nous devons en parler. Mais personne ne parle des autres aspects, dit-elle. Quelle différence cela ferait pour certains enfants du Canada ou du continent américain, lors de la saison de hockey, de baseball ou de football, s’ils savaient que les sports d’équipe ont été inventés de ce côté-ci de de l’océan. Même aux jeux olympiques antiques, en Grèce, il n’y avait que des sports individuels. Les peuples autochtones ont inventé les sports d’équipe. Ils ont inventé non seulement le caoutchouc et le ballon en caoutchouc, mais aussi le stade avec des gradins de chaque côté, les poteaux de but de chaque côté, les épaulettes, les genouillères et les casques avec des logos d’animaux. Et quelle différence cela ferait pour un enfant assis sur la banquette arrière d’une voiture à chaque saison de hockey, de savoir cela. »
Par son projet d’enseignement Cradleboard, que Buffy a fondé en 1996, elle enrichit les programmes scolaires actuels grâce à des enseignements enrichissants et passionnants provenant des peuples autochtones, dans le but d’établir des relations positives avec les élèves autochtones et non autochtones. Buffy insiste sur la nécessité d’intégrer le rire, la curiosité et le partage dans l’éducation, ce que fait Cradleboard. « L’école ne devrait jamais être ennuyeuse », dit-elle, ajoutant que le programme scolaire standardisé est exclusivement eurocentrique, ce qui n’a pas lieu d’être. « Nous concevons les programmes scolaires à partir du point de vue des Autochtones, et nous demandons à nos partenaires locaux dans les réserves de créer quelque chose à partir de leur propre point de vue. Nous pouvons nous occuper de la géographie, des matières relatives au gouvernement et aux sciences, mais en ce qui concerne les matières locales, ce sont les peuples autochtones locaux qui s’en chargent à 100 %. Ils sont maîtres de leur contenu. »
Buffy ajoute que le fait de porter un regard autochtone sur la science, le gouvernement et la géographie n’implique pas nécessairement de démolir les institutions. « Nous n’avons pas besoin de démolir ces grandes institutions ; ce que nous devons faire, c’est contribuer à les améliorer et à les adapter au monde dans lequel nous vivons », dit-elle, expliquant que Cradleboard ne soutient pas seulement les enfants autochtones, mais tous les enfants, en proposant des programmes d’études de base dans une perspective autochtone. « Nous devons cesser d’être réduits à un capteur de rêves sur le mur du local parascolaire. Dans mon entourage d’éducateurs autochtones, nous savons où nous en sommes. Nous savons ce qui se passe. Nous savons que nous avons ce qu’il faut pour régler ce problème. »
« Laissez-vous guider par la joie. »
Lorsqu’on lui demande quel message elle a pour les employés autochtones à l’écoute, Buffy répond : « Laissez-vous guider par la joie pour garder votre motivation. Si vous voulez vous impliquer auprès des peuples autochtones, vous n’êtes pas obligés de commencer là où ça fait le plus mal. Je vous conseille surtout de ne pas vous décourager, de ne pas vous épuiser. Ne restez pas éveillés tous les soirs à vous tourmenter. Tout le monde mûrit, tout évolue, tout change. Et si nous sommes intelligents, les choses vont continuer à s’améliorer. Mais laissez-vous guider par la joie et cherchez le bonheur. »
Lorsqu’on lui demande quel est son message pour les employés non autochtones, elle répond qu’il n’est pas très différent. « Mon conseil est le même pour les non-Autochtones que pour les Autochtones. Si vous tenez à quelque chose, prenez-en soin. Si vous voulez améliorer le monde, tentez votre chance. Ne vous épuisez pas, laissez-vous guider par la joie et continuez à apprendre. Si vous voulez être utile, vous trouverez un moyen d’y parvenir. »
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