Le gouvernement du Canada a récemment adopté une loi instaurant un jour férié fédéral le 30 septembre. Cette journée permettra de reconnaître la tragique histoire et les séquelles des pensionnats, et de rendre hommage aux survivants, à leurs familles et à leurs communautés.

L’établissement d’une journée de réflexion est une étape importante du processus de réconciliation et répond à l’un des 94 appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation : « Nous demandons au gouvernement fédéral d’établir comme jour férié, en collaboration avec les peuples autochtones, une journée nationale de la vérité et de la réconciliation pour honorer les survivants, leurs familles et leurs communautés et s’assurer que la commémoration de l’histoire et des séquelles des pensionnats demeure un élément essentiel du processus de réconciliation. »

Afin de bien comprendre le sens et l’importance de cette journée et la façon dont les Canadiens peuvent la souligner le 30 septembre, RBC s’est entretenue avec Stephanie Scott, directrice du Centre national pour la vérité et la réconciliation (CNVR). Elle nous explique comment cette journée est, d’une part, l’occasion de prendre un temps de réflexion et, d’autre part, une excellente raison de passer à l’action pour appuyer les survivants des pensionnats et leurs familles, ainsi que les enfants qui, eux, ne sont jamais revenus à la maison.

Des survivants racontent leur histoire

Avant d’assumer les fonctions de directrice du CNVR, Stephanie Scott a été responsable de la collecte de témoignages pendant trois ans. À ce titre, elle a rencontré des centaines de survivants pour recueillir leurs témoignages et écouter leur histoire. « Ça a été une expérience incroyable, touchante et pleine d’émotions, raconte-t-elle. J’ai entendu tellement d’histoires de survie, affirme Mme Scott. Mais j’ai entendu aussi des histoires d’horreur ; de jeunes enfants qui ont été témoins de la mort de leurs pairs, des petits de quatre et sept ans qui ont serré leurs amis dans leurs bras jusqu’à ce qu’ils s’éteignent. »

Malgré la douleur, nombre de témoignages étaient chargés d’un certain espoir et teintés d’une grande résilience. « Mon travail avec les survivants m’a donné la force et la possibilité de répondre à leur demande, c’est-à-dire de raconter leur expérience. »

Aujourd’hui, Stephanie Scott aide le CNVR à remplir son mandat, qui est d’être le gardien des histoires, des photos et des souvenirs qui lui sont confiés, de poursuivre le travail de recherche amorcé par la Commission de vérité et réconciliation, et de contribuer à l’éducation de la population et à la compréhension des pensionnats. « Nous voulons que les gens de partout au Canada se souviennent, y compris les générations futures, dit-elle. Avec l’aide d’enseignants et d’éducateurs, nous racontons les histoires des survivants et démontrons toute la croissance et la résilience des communautés autochtones. »

Le travail de Stephanie Scott est très émotif pour elle et lui tient particulièrement à cœur, puisqu’elle a elle-même survécu à la rafle des années 1960 et que sa mère a fréquenté un pensionnat. « Ça m’a pris des dizaines d’années à comprendre qui j’étais et d’où je venais. J’ai commencé à apprendre la culture il y a presque 30 ans, mais j’ai tout juste gratté la surface. Je suis encore en train de reconstituer l’histoire de ma famille. Quand on parle de vérité et de réconciliation, on ne parle pas d’une solution immédiate : il faudra des décennies de travail. »

Une journée pour honorer les survivants

Stephanie Scott aimerait que le pays soit orange d’un bout à l’autre le 30 septembre, date qui a aussi été déclarée la Journée du chandail orange en 2013, à l’initiative de Phyllis Webstad, une survivante.

« Nous travaillons de près avec Phyllis pour rendre hommage aux survivants des pensionnats autochtones et à leurs familles. Par un simple acte d’échange, son histoire a touché tout le pays », explique Stephanie Scott. Le chandail orange de Phyllis lui a été confisqué à son premier jour de classe à la Mission St-Joseph, alors qu’elle avait six ans. La Journée du chandail orange est née après que Phyllis Webstad a raconté son histoire, lors d’une conférence de presse faisant la promotion des événements de réconciliation dans sa communauté. La Journée ne cesse de prendre de l’ampleur depuis, en particulier chez les étudiants et les jeunes.

Cette année, lors de cette première journée de commémoration nationale, Stephanie Scott espère que tous les Canadiens prendront le temps de réfléchir, d’apprendre et d’accomplir le travail nécessaire pour cheminer vers la réconciliation. « Travaillons avec les peuples autochtones, faisons entendre leurs voix, lisons des auteurs autochtones, regardons des films créés par des Autochtones, apprenons leurs cultures, tâchons de comprendre l’histoire véritable du pays où l’on vit. »

En collaboration avec le CNVR, CBC et APTN ont accepté de diffuser à la grandeur du pays une émission d’une heure dans laquelle des Canadiens autochtones et non autochtones de tous les milieux se rassembleront pour reconnaître le passé. « J’espère que les gens seront à l’écoute et qu’ils se souviendront des enfants qui ne sont jamais rentrés à la maison et honoreront les survivants qui sont encore parmi nous », souhaite Stephanie Scott.

Encore beaucoup de travail à faire

Même si la Journée offre aux Canadiens l’occasion de réfléchir au passé et de rendre hommage aux survivants, Stephanie Scott et son équipe savent que le CNVR peut faire autre chose pour mobiliser et sensibiliser les Canadiens.

Par exemple, ils ont organisé une semaine complète d’activités d’apprentissage virtuelles à l’intention des élèves de la 5e à la 12e année partout au pays. Ainsi, du 27 septembre au 1er octobre, la Semaine de la vérité et réconciliation (qui est parrainée exclusivement par RBC) sera l’occasion de poursuivre la conversation sur les vérités concernant les traités des Premières Nations, les revendications territoriales des Métis et des Inuits et le système des pensionnats dans les jours précédant la Journée du chandail orange et la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.

« La journée s’est transformée en semaine en raison de la grande soif de savoir qui s’est manifestée, explique Stephanie Scott. Les enseignants en voulaient plus ; ils ne savaient pas quelle approche adopter avec un aîné ou un survivant, par exemple. Le Centre a donc mis toute l’information en ligne pour qu’ils y aient accès facilement, en anglais, en français et en différentes langues autochtones. »

La directrice est heureuse de constater la forte mobilisation suscitée dans tout le pays, mais elle admet toutefois que la réconciliation est un lent processus. Des 94 appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, seulement 14 ont obtenu une réponse jusqu’à maintenant. « Il y a encore beaucoup de travail à faire, souligne-t-elle. Chaque jour, nous perdons des survivants. Ils méritent d’être témoins d’une réconciliation concrète de leur vivant. Le temps est un luxe que nous ne pouvons plus nous offrir, alors je demande aux gens d’agir. Ne les décevons pas. »

Ces enfants qui ont ému tout un pays

Le principal point de mire du CNVR demeure la recherche d’enfants disparus, pour que soient retrouvés et identifiés tous les enfants qui ne sont jamais revenus à la maison. Le Centre a déjà inscrit 4 117 noms à son registre commémoratif et vient d’entamer la deuxième phase de ses travaux de recherche. « Il y a encore des parents qui ignorent où se trouvent leurs enfants ; ils ne savent pas comment ils sont morts, explique Stephanie Scott. Si nous pouvons les aider à trouver leurs enfants et à guérir, on commencera à voir encore plus de changements. »

De plus, Stephanie Scott est d’avis que les découvertes de tombes anonymes poussent les gens à agir. « Quand on a trouvé ces jeunes enfants, un changement s’est amorcé dans le pays, dit-elle. Avant, c’est nous qui devions faire tout le travail d’intervention. Il fallait toujours que nous demandions de l’aide et du financement pour sensibiliser les Canadiens. La situation s’est inversée : maintenant, ce sont les gens qui demandent : “Qu’est-ce qu’on peut faire pour vous aider ? Comment peut-on aller de l’avant ? » Cette fois-ci, les Canadiens ont été réellement bouleversés. »

Elle ajoute avoir l’impression que la population reconnaît maintenant qu’il est crucial que tout le monde aille de l’avant ensemble – parents, tantes, oncles, frères, sœurs, grands-parents. « C’est une expérience émotive, mais je crois vraiment que l’esprit de ces enfants est bien fort et présent et qu’il nous aide à changer les choses. »

Le 30 septembre, les Canadiens de tous les milieux sont invités à entamer ou à continuer leur parcours d’apprentissage personnel. Le Indigenous Partnerships Success Showcase de 2021 est un bon point de départ.

Regardez l’entretien entre John Stackhouse et Murray Sinclair, président de la Commission de vérité et réconciliation. Visionner la vidéo.

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